Quelle transition énergétique pour le secteur maritime et industrialo-portuaire ? COMPRENDRE POUR AGIR LIVRE BLANC
Préface Luc Rémont Président-Directeur Général d’EDF
Le secteur maritime est l’artère de la mondialisation. Sans transport maritime, nous n’aurions pas accès à la majorité des ressources que nous consommons et utilisons aujourd’hui. Mais le secteur maritime reste aujourd’hui un secteur fortement carboné. Façonner un avenir maritime durable, où la prospérité économique est harmonisée avec la préservation de notre planète doit être l’une de nos priorités. Comme le disait Jacques-Yves Cousteau, « nous sommes les gardiens de l’océan, responsables de sa santé et de sa préservation pour les générations futures ». Pour préserver cet or bleu et décarboner le secteur maritime, une planification écoénergétique apparait essentielle. En cette future année 2025 dédiée à la mer, il est impératif, pour la souveraineté de notre pays, de repenser nos approches en matière de transports, d’énergies et de connaissances. Le Groupe EDF, porté par les expertises variées de ses filiales et métiers, se positionne en partenaire engagé du secteur maritime et fluvial dans sa transition éco-énergétique. À travers des initiatives telles que la décarbonation des ports et des Zones-Industrialo-Portuaires, la décarbonation de la propulsion des navires, la production d’énergies marines renouvelables ainsi que la protection et la préservation de la biodiversité marine, EDF s’engage résolument dans cette transformation cruciale. Un engagement que je trouve naturel et légitime, pour au moins trois motifs : • Notre raison d’être offre aux 165 000 salariés du Groupe EDF la mission de construire un avenir énergétique neutre en CO2, conciliant préservation de la planète, bien-être et développement, grâce à l’électricité et à des services innovants, en parfaite résonance avec les attentes du secteur maritime et fluvial pour aller vers la neutralité carbone. • Être à l’écoute du terrain est une priorité pour EDF, qui est convaincu qu’une interaction concertée avec les acteurs du secteur maritime, riches de leur diversité est essentiel pour construire ensemble des solutions adaptées. • Innover est essentiel dans un secteur maritime en pleine transition, encadré par une réglementation de plus en plus stricte et qui impose de réfléchir à de nouvelles briques technologiques efficientes de décarbonation. Le secteur maritime régit, sur le plan mondial, l’équilibre écologique et économique. Il est crucial de le préserver. Nous avons ainsi besoin d’innovation et d’une vision claire et précise pour répondre aux défis de l’emploi et de la décarbonation. Accompagner efficacement le secteur maritime et fluvial vers la neutralité carbone s’inscrit pleinement dans les missions fondamentales du Groupe EDF. Ce livre blanc est une invitation à un dialogue ouvert et constructif avec tous les acteurs désireux de contribuer à la réduction de l’empreinte environnementale et climatique des activités maritimes et fluviales. En travaillant ensemble, nous pouvons construire un avenir maritime plus durable et prospère pour tous.
Sommaire Chapitre 1 L’océan, poumon de la Terre. Comment le préserver ? 1.1 Une absence de gouvernance mondiale régulant de manière globale les activités anthropiques ayant un impact sur la santé des océans - P.13 1.2 Un acteur majeur de l’économie mondialisée - P.15 Chapitre 2 L’évolution du contexte réglementaire maritime et son impact 2.1 Les chiffres du transport maritime mondial - P.18 2.2 Le contexte réglementaire mondial régi par l’Organisation Maritime Internationale (OMI) - P.20 2.3 Le contexte réglementaire européen régi par le Paquet Climat « Fit For 55 » - P.23 2.4 Le contexte réglementaire français - P.27 2.5 Évolution de la réglementation maritime - P.30 2.6 L’impact de ces réglementations sur les armateurs - P.34 Chapitre 3 Quelles solutions pour décarboner le maritime ? 3.1 Diverses solutions envisageables pour optimiser l’efficacité énergétique des navires et lutter contre leurs émissions de GES - P.38 3.2 Des solutions à adapter suivant le type de navire et le type de besoin - P.45 3.3 Quelles solutions pour décarboner les ports ? - P.46 3.4 La décarbonation du maritime, une augmentation des besoins en énergies décarbonées - P.48 3.5 Production d’énergies marines renouvelables - P.49
Chapitre 4 Le secteur maritime, un enjeu de souveraineté pour la France 4.1 La France, un large espace maritime sur l’ensemble du globe aux différents enjeux - P.54 4.2 Un enjeu économique et stratégique pour le pays - P.55 4.3 Un enjeu financier : la finance bleue impulsée par l’Europe et la France - P.56 4.4 Une richesse portuaire sur l’ensemble du territoire - P.57 4.5 Une nécessité de recréer des symbioses et une cohésion au sein de l’écosystème maritime français - P.64 4.6 Le monde maritime de demain au travers la feuille de route de décarbonation du maritime française - P.66 Chapitre 6 Quelques projets et réalisations exemplaires Cas n°1 - [Dunkerque] EPIFLEX Solution d’économie circulaire pour décarboner les zones industrielles - P.96 Cas n°2 - [Port Camargue] eCo-Port Accompagner les ports de plaisance dans la transition éco-énergétique - P.102 Cas n°3 - [Bordeaux] CENAQ Raccorder les navettes fluviales de la Métropole de Bordeaux - P.106 Cas n°4 - [Isère] Hynovi Production de e-méthanol pour le maritime - P.110 Cas n°5 - [Port Saint Louis] Provence Grand Large Ferme pilote d’éoliennes flottantes - P.112 Cas n°6 - [Marseille] Massiléo Projet de thalassothermie - P.116 Chapitre 5 EDF et le secteur maritime 5.1 EDF accompagne la décarbonation du secteur maritime au travers sa réflexion stratégique EDF et la mer - P.72 5.2 Les quatre axes de la stratégie EDF & la mer - P.73 5.3 Des expertises et compétences transverses pour décarboner le secteur maritime - P.74 5.4 … qui permettent de proposer des solutions globales et adaptable en fonction des besoins, notamment sur les ports - P.78 5.5 Une forte présence dans les territoires - P.80 5.6 … Et aussi à l’international - P.84 5.7 EDF est pleinement engagé dans la préservation de la biodiversité au travers d’actions concrètes - P.91 5.8 … Et adapte l’ensemble de ses actifs de production de bord de mer face aux risques du changement climatique - P.92
AAP : Appel à Projets ADEME : Agence de la Transition Ecologique BWM : Ballast Water Management Convention – Convention pour la Gestion des Eaux de Ballast CCS : Carbon Capture and Stockage – Captage et Stockage du CO2 CII : Carbon Intensity Indicator – Indice d’Intensité Carbone COP : Conférence des Parties ECA : Émission Control Area – Zones de Contrôles des Emissions EEDI : Energy Efficiency Design Index – Indice d’Efficacité Energétique des navires neufs EEE : Espace Economique Européen EMR : Énergie Marine Renouvelable EEXI : Energy Efficiency Existing ships Index – Indice d’Efficacité Energétique des navires Existant EIBIP : European Inland Barging Innovation Platform – Plateforme Européenne d’Innovation pour le Transport fluvial EJ : Exajoule ETS : Émission Trading System GES : Gaz à Effet de Serre GIEC : Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat IAPH : International Association of Ports and Harbors – Associations Internationale des Ports et Rades IPBES : T he Intergo vernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services – Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques Glossaire
MEPC : Marine Environment Protection Committee – Comité pour la Protection de l’Environnement Marin MRV : Monitoring, Reporting and Verification – Surveiller, declarer et verifier ODD : Objectifs de Développement Durable OMI : Organisation Maritime Internationale ONG : Organisation Non Gouvernementale ONU : Organisation des Nations Unies OPS : Onshore Power Supply – Alimentation électrique à quai PMB : Produit Marin Brut PPA : Power Purchase Agreements – Contrat d’achat d’électricité RFNBO : Renewable fuels of non-biological origin – Carburants renouvelables d’origine non-biologique RSE : Responsabilité Sociétale des Entreprises SECA : Sulphur Emission Control Area – Zone de Contrôle des Emissions d’oxydes de Soufre SEEMP : Ship Energy Efficiency Mangement Plan – Plan de Gestion de rendement énergétique SEQE : Système d’Echange de Quotas d’Emission UMS : Universal Measurement System – unité de mesure du tonnage des navires de longueur supérieure à 24m TIRUERT : Taxe Incitative Relative à l’Utilisation d’Energie Renouvelable dans les Transports TTW : Tank to Wake WPSP : World Ports Sustainability Program – Programme Mondial de Développement Durable des Ports ZIP : Zone Industrialo-Portuaire
Résumé Dans le premier volume de son 6ème rapport sur le climat publié le 9 août 2021, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) conclut que le climat change plus rapidement que prévu partout dans le monde, un changement directement corrélé à l’augmentation des gaz à effet de serre générés par les activités humaines. Une réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre est donc indispensable. Pour y parvenir, il est primordial de décarboner les différents secteurs de l’économie mondiale et de redéfinir en profondeur les systèmes énergétiques de demain. Le commerce maritime représente 90% des marchandises transportées à travers le monde et est responsable de près de 3% des émissions de gaz à effet de serre soit autant que l’aérien et 2 fois moins que le terrestre. Plus de 11 milliards de tonnes de fret ont été échangées en 2019, contre seulement quelques millions de tonnes pour le fret aérien, ce qui équivaut à 940 millions de tonnes de CO2 par an, auxquelles s’ajoutent les émissions d’oxyde de soufre (SOx) et d’azote (NOx), particulièrement polluantes pour le milieu aquatique, l’air et les sols. La principale source d’émissions provient de la combustion d’énergie fossile pour la propulsion des navires. Le fioul lourd, majoritairement utilisé par les cargos et les porte-conteneurs, émet 3 500 fois plus de particules fines que le diesel. Trouver des substituts de ce fioul lourd ainsi que transformer et adapter le secteur maritime afin de le rendre moins polluant, plus sobre et décarboné apparait essentiel pour réussir à répondre aux objectifs fixés par l’Accord de Paris. Dans une moindre mesure, mais avec un poids croissant lié au report modal envisagé pour le transport de marchandises, le transport fluvial doit également être pris en compte. Enfin, les ports ne sont plus uniquement des hubs logistiques et de transport, mais des écosystèmes d’activités manutentionnaires, industrielles, logistiques et commerciales. Ainsi, les activités industrielles présentes dans l’enceinte des grands ports sont responsables d’environ 3 % des émissions totales de gaz à effet de serre dans le monde. À l’échelle nationale, 10% des émissions de CO2 proviennent des activités des grands ports du pays. En mars 2018, 49 États avaient signé une déclaration appelant à des progrès ambitieux au sein de l’Organisation Maritime Internationale (OMI) pour réguler les émissions globales de gaz à effet de serre, qui pourraient mécaniquement augmenter à 17% d’ici 2050 si le transport maritime reste sur les mêmes modes de propulsion. Deux mois plus tard, l’OMI imposait une réduction de 70% des émissions nettes
de CO2 en 2050 par rapport à 2008. Depuis, la réglementation, tant internationale, européenne que française, s’est renforcée, accélérant notamment ces derniers mois pour aboutir en juillet 2023 à un objectif de l’OMI d’une réduction totale des émissions de GES du transport maritime à l’horizon 2050. Le secteur maritime est donc en phase de forte transition, les règles de plus en plus strictes incitant les acteurs de la filière à investir dans des technologies moins émettrices de GES et à s’organiser. En France, la filière s’organise autour d’associations visant à accompagner les acteurs dans leur décarbonation (Cluster Maritime Français, MEET2050, les Pôles Mer Bretagne et Méditerranée, France Énergies Marines…), ce qui a abouti en avril 2023 à la remise au ministre des Transports et au secrétaire d’État chargé de la Mer de la feuille de route de décarbonation du secteur maritime, à laquelle le Groupe EDF a contribué. Cette feuille de route met en exergue trois leviers : l’efficacité énergétique, le changement d’énergies et la sobriété. Les seuls besoins d’électrification et d’hybridation électrique de certains navires, d’électrification des quais et de production de carburant bas carbones sont estimés à 90 TWh en 2050, ce qui représente environ 19% de la consommation d’électricité de la France en 2020. La décarbonation de la filière maritime ne se fera pas grâce à une solution unique, mais par la combinaison de technologies et de systèmes, existants ou émergents, qui permettront de s’orienter vers une énergie de plus en plus décarbonée. En tant que premier énergéticien français, porteur d’un mix de production d’électricité décarbonée à 90%, EDF a un rôle prépondérant à jouer pour accompagner le secteur maritime et fluvial dans sa décarbonation en apportant une approche systémique et des services innovants pour décarboner la propulsion maritime, les ports et les zones industrialo-portuaires tout en préservant l’environnement. Pour cette raison, dès 2021, est née une réflexion stratégique « EDF & la mer » centrée sur 4 grands axes : • Produire davantage d’énergie décarbonée et accélérer le développement des énergies marines renouvelables ; • Accompagner la décarbonation des ports et des zones industrialo-portuaires ; • Développer des solutions innovantes pour décarboner la propulsion des navires ; • Promouvoir et prendre en compte dans ses projets la protection du milieu marin. Pour cela, le Groupe EDF est à l’écoute des acteurs des territoires pour accompagner l’ensemble de la filière maritime dans sa décarbonation, identifier leurs besoins et construire des réponses concrètes en s’appuyant sur la complémentarité des compétences portées par les métiers et filiales du Groupe. Plusieurs solutions en développement ou déjà mises en œuvre sur l’ensemble du territoire français ainsi qu’à l’international sont ainsi à découvrir dans ce Livre Blanc EDF&la mer.
Chapitre 1 L’océan, poumon de la Terre. Comment le préserver ?
1.1 Une absence de gouvernance mondiale régulant de manière globale les activités anthropiques ayant un impact sur la santé des océans - P.13 1.2 Un acteur majeur de l’économie mondialisée - P.15
La préservation des Océans et des mers est un enjeu majeur. Au total, ils produisent la moitié de notre oxygène, régulent le climat et la température de la Terre. Ils jouent le rôle de véritable pompe à carbone en absorbant le CO2 terrestre. Plus de 93 % de la chaleur générée par les activités humaines depuis les années 1950 a été absorbée par les océans et les mers1. Au-delà d’être le thermostat de la Terre, ils nous fournissent de la nourriture, de l’eau, des emplois, abritent des centaines de milliers d’espèces et font le lien entre les communautés terrestres. Malgré le rôle central qu’ont les océans dans la bonne santé planétaire, leur surexploitation engendre un déclin de leur santé et une raréfaction de certaines ressources. Dans les années à venir, les conflits d’usages des ressources maritimes déjà existants dans certaines régions du globe vont s’intensifier, tout comme ceux de l’eau douce si nous ne faisons rien pour préserver cette ressource fondamentale. Chiffres clefs du Chapitre • Depuis 1950, les océans et les mers ont absorbé plus de 93% de la chaleur anthropique • 66% du milieu marin est « sévèrement altéré » par les activités humaines • En analysant le Produit Marin Brut (PMB), l’océan est le 7ème pays le plus riche de la planète = 2500 Mds$/an Idée à retenir du Chapitre Les activités anthropiques ont un réel impact sur la bonne santé des océans et leur biodiversité. Les océans et les mers sont de véritables enjeux de l’économie mondiale. Un déclin de leur santé conduirait à un déclin économique significatif. Il apparait primordial de réguler les activités anthropiques au travers d’un cadre réglementaire et de la mise en place d’une planification écologique contraignante. À savoir : Les écosystèmes côtiers sont de réelles pompes à carbone. Les mangroves, les herbiers et les marais salant captent du carbone pour le développement. Ces derniers stockent 10 fois plus de carbone que les forêts continentales. 1 Speich et al., « L’océan, réservoir de chaleur » Figure 1 : L’océan, le thermostat de la terre (Ocean.org, 2016). Énergie solaire CO2 atmosphérique CO2 dissous Le plancton végétal, par photosynthèse, produit de la matière organique Les organismes morts tombent au fond des océans Le plancton utilise les carbonates pour faire son « squelette » Carbonate Séquestration du carbone Sédimentation Matière organique 12 Quelle transition énergétique pour le secteur maritime et industrialo-portuaire ?
L’Organisation maritime internationale (OMI) est l’institution spécialisée des Nations Unies chargée d’assurer la sécurité, la sûreté et la performance environnementale des transports maritimes et de prévenir la pollution des mers par les navires. Son rôle principal est de créer un cadre réglementaire permettant d’assurer une uniformité réglementaire équitable, efficace et universelle. La Convention de Londres administrée par l’OMI depuis 1977 est l’une des premières conventions internationales pour la protection du milieu marin contre les activités humaines. Cette convention contribue au contrôle et à la prévention de la pollution des mers à l’échelle internationale, en interdisant l’immersion de certaines matières dangereuses. Bien que cette convention soit très importante pour la protection des océans, elle ne met pas en place une législation globale pour la préservation des océans et de leur biodiversité. De nombreuses ONG reprochent à l’OMI le manque de réglementation strictes permettant de réguler l’impact des activités humaines sur les océans et les mers. Le constat d’un déficit de connaissance mondiale quant à l’ampleur de l’érosion de la biodiversité a néanmoins contribué, en 2012, à la naissance de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES). Il s’agit d’un organe intergouvernemental indépendant pouvant être décrit comme le « GIEC pour la biodiversité ». Les experts de l’IPBES mettent en exergue, dans leur dernier rapport, que 66% du milieu marin est « sévèrement altéré » à ce jour par les activités humaines. 1.1 Une absence de gouvernance mondiale régulant de manière globale les activités anthropiques ayant un impact sur la santé des océans Figure 2 : Activités anthropiques impactant la bonne santé des océans (EDF, 2023). Conséquences Acidification des océans Pollution des océans Perte de biodiversité Érosion/ recul du trait de côte Introduction de nouvelles espèces Réchauffement des océans Causes anthropiques Urbanisation croissante Exploitation des océans Transport maritime intensif Mobilité terrestre Rejet des déchets et des eaux usées Pêche intensive Forage pétroliers offshores Activités portuaires Activités industrielles et agricoles Développement du tourisme COMPRENDRE POUR AGIR 13
2 Vierros, « La Gouvernance marine mondiale et la gestiondes océans pour atteindre l’ODD 14 » - Ocean Climate, 2 « La biodiversité marine en déclin » « On ne peut pas régler le problème de la crise climatique sans s’occuper des océans, qui jouent un rôle crucial de puits à dioxyde de carbone. Et on ne peut pas non plus régler les problèmes des océans sans s’occuper du climat, car les émissions de gaz à effet de serre réchauffent et acidifient l’eau des océans. » John Kerry, envoyé spécial chargé de la lutte contre le réchauffement climatique au sein de l’administration de Joe Biden. Juin 2022. Effet de serre Perturbations atmosphériques Acidité CO2 atmosphère CORAIL PLANCTON HERBIERS MANGROVE Perturbation des écosystèmes littoraux Perturbation de la croissance des organismes marins Activités humaines Migrations de certaines espèces Température de l’océan Figure 3 : Conséquences de l’augmentation du CO2 sur les écosystèmes marins (Ocean Climate, 2016)3 Le dernier rapport de l’IPBES démontre que les activités anthropiques ont un réel impact sur la bonne santé des océans et leur biodiversité (Figure 2). Ces activités humaines sont pour la plupart très peu régulées, réglementées et encadrées. Le manque d’une régulation stricte et claire de ces activités engendre la surexploitation des ressources marines via des pratiques de pêches intensives, destructrices et non durables ; l’extraction non contrôlée et destructrice des fonds marins du pétrole, du gaz et de divers minerais ; une activité touristique polluante et destructrice de la biodiversité marine ; le rejet de déchets et/ou d’eaux usées dans les océans par les activités industrielles et agricoles ; une urbanisation des territoires croissante augmentant le ruissellement d’eaux polluées vers les estuaires et les baies. Cette surexploitation des océans et des mers engendre le déclin de leur santé (Figure 3) : acidification et réchauffement des océans ; modification des courants océaniques ; désoxygénation des milieux ; perte de la biodiversité ; montée des eaux ; destruction des côtes et des littoraux2. 14 Quelle transition énergétique pour le secteur maritime et industrialo-portuaire ?
Figure 4: Produit Marin Brut (Hoegh-Guldberg, O. et al. 2015) La valeur du patrimoine océanique dépend pour les 2/3 de sa santé. Si l’on s’intéresse au Produit marin brut (PMB) calculé de la même manière que le PIB national, l’océan se place alors au 7ème rang des pays les plus riches de la planète, entre le Royaume-Uni et le Brésil, avec 2500 milliards de dollars générés chaque année4. L’acidité de l’eau a augmenté de 30% depuis la révolution industrielle et elle pourrait tripler d’ici 2100 si rien n’est fait. Afin de préserver cet or bleu essentiel à l’Homme, il apparaît nécessaire de mettre en place une réelle régulation des activités anthropiques pour minimiser les impacts sur la santé des océans et leur biodiversité, mais aussi pour minimiser l’impact économique que pourrait engendrer la mauvaise santé des océans. Pour ce faire, agir rapidement et mettre en place de nouveaux outils de planifications apparaît primordial. Dans le secteur économique, cela pourra passer par la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) qui sera le cadre approprié pour identifier les impacts de leurs activités sur les océans et pour planifier une démarche vertueuse de réduction des pollutions. 1.2 Un acteur majeur de l’économie mondialisée Les océans procurent de la valeur sous les formes les plus diverses, de l’alimentation au tourisme en passant par la protection des côtes, pour ne citer que quelques exemples. ACTIVITÉS ET ACTIFS LIÉS AUX OCÉANS 6 900 Mds $US 5 200 Mds $US 7 800 Mds $US 4 300 Mds $US Stock halieutiques Produits directs Mangroves Récifs coraliens Voies de navigation Production des littoraux Absorption du carbone Herbiers marins VALEUR TOTALE Produits indirects / intangibles OCÉANS Production directe des océans : Commerce et transport : Actifs adjacents : COMPRENDRE POUR AGIR 15
Chapitre 2 L’évolution du contexte réglementaire maritime et son impact
2.1 Les chiffres du transport maritime mondial - P.18 2.2 Le contexte réglementaire mondial régi par l’Organisation Maritime Internationale (OMI) - P.20 2.3 Le contexte réglementaire européen régi par le Paquet Climat « Fit For 55 » - P.23 2.4 Le contexte réglementaire français - P.27 2.5 Évolution de la réglementation maritime - P.30 2.6 L’impact de ces réglementations sur les armateurs - P.34
Avec près de 11 milliards de tonnes de marchandises5, le commerce maritime représente 90% du commerce mondial en volumes transportés. De plus, 90% des communications internationales se font via des câbles sous-marins. Les océans et les mers, sont aujourd’hui les artères de la mondialisation. Une exploitation non durable de ces espaces et de ces ressources mettrait en péril l’ensemble de l’économie mondiale et du mode de vie de l’humanité mondialisée. Figure 5 : visualisation du transport maritime mondial (26 août 2024 - 11h https://www.marinetraffic.com) Figure 6 : Évolution du tonnage de marchandises mondiales des porte-conteneurs de 1950 à 2019 (Wind Ship, 2022). 5 Frémont, « Le transport maritime depuis 1945 » - 6 Frémont, « Le transport maritime depuis 1945 » - 7 Wind Ship, 2022. « Livre Blanc : La propulsion des navires par le vent » La flotte mondiale de 95 000 navires absorbe 5% de la demande de pétrole. Cette demande ne cesse de croître en raison de l’intensification du trafic. En 2019, 11 milliards de tonnes de marchandises ont été transportées au travers les océans et les mers, contre 550 millions de tonnes en 19506. Si cette massification des volumes fait du maritime l’un des modes de transports les moins émetteurs de gaz à effet de serre par unité transportée, la croissance accentuée des flux maritimes et le report modal vers ce mode de transport rend toutefois nécessaire la décarbonation de ce secteur7. En effet, le transport maritime représente à lui seul 2,9% des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES), avec 940 millions de tonnes de CO2 émis par an, autant que le transport aérien. Ce pourcentage pourrait mécaniquement augmenter et devrait atteindre une part de 17% des émissions en 2050 en raison de la décarbonation plus rapide des autres secteurs, du report modal vers le maritime et de la croissance systémique des échanges commerciaux. 2.1 Les chiffres du transport maritime mondial 0,55 1950 2019 Chiffres clefs du paragraphe • Commerce maritime = 90% du commerce mondial • Flotte mondiale = 5% de la demande de pétrole • Transport maritime 3% des émissions de GES Pourcentage qui pourrait atteindre 17% en 2050 • Si le transport maritime était un pays = 6ème pays le plus émetteur 11,08 18 Quelle transition énergétique pour le secteur maritime et industrialo-portuaire ?
8 ADEME, 2022 Figure 7 : Emissions en million de tonnes des 8 pays les plus émetteurs comparées aux émissions du transport maritime (ADEME, 2022). Les émissions annuelles du transport maritime mondial sont l’équivalent de celles de la France et de l’Allemagne réunies (respectivement 316 Mt et 711 Mt en 2019). S’il était un pays, il serait le 6ème pays le plus émetteur8. Chine États-Unis Inde Russie Japon Maritime Iran Allemagne Arabie Saoudite 0 200 400 600 800 1000 1200 Mt CO2 2.1.1. Un zoom sur l’Europe Le transport maritime en UE représente : 1,63 millions de tonnes de SO2 en 2019 = 16% des émissions liées au transport maritime international Entre 2014 et 2019, le bruit sous-marin qui a doublé dans les eaux de l’UE 17% des grandes marées noires accidentelles survenues dans le monde depuis 2010 51 espèces indigènes, introduites en majorité par le transport maritime, ayant un fort impact sur l’écosystème aquatique 77% du commerce extérieur européen 35% de l’ensemble des échanges en valeur des États de l’UE 13,5% des émissions de gaz à effets de serre du secteur des transports 140 millions de tonnes de CO2 en 2018 = 18% des émissions liées au transport maritime international COMPRENDRE POUR AGIR 19
La flotte sous pavillon français ne représente que 0,4% du tonnage mondial dont 60,6% sont détenus par les cinq premiers pavillons (Libéria, Panama, Iles Marshall, Hong Kong et Singapour). Le nombre de navires sous pavillon français a connu un véritable déclin. En 1960, la flotte française se situait au 5ème rang des flottes mondiales en matière de jauge. Ainsi, si nous considérons uniquement la flotte sous pavillon français, le transport maritime français représente une part très faible des émissions de CO2 mondiale (0,6% des émissions nationales). Si nous nous penchons sur les émissions de CO2 des navires par pays d’appartenance, alors la France se place au 16ème rang mondial des pays les plus émetteurs avec près de 18Mt de CO2 émis en 2022, soit l’équivalent de 4,5% des émissions de CO2 nationales9. 2.1.2. Un zoom sur la France Le transport maritime en France c’est : 2.2. Le contexte réglementaire mondial régi par l’Organisation Maritime Internationale (OMI) Idée à retenir du paragraphe Depuis juillet 2023, l’objectif de l’OMI est d’atteindre le « Net Zéro » en 2050. Le transport maritime est en pleine transition. Les règles le régissant évoluent rapidement et deviennent plus strictes incitant les armateurs à investir rapidement dans des technologies de ruptures moins émettrices de GES, plus responsables et respectueuses de l’environnement. Désormais, l’OMI impose aux armateurs un système de notation d’intensité carbone de leur navire (CII) pouvant les conduire à la perte de leur certificat de navigation s’ils émettent trop de CO2. 55% de la flotte pourrait ne pas respecter les normes autorisées d’ici 2030. 9 Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement, 2023. « Étude sur les transports maritimes » 10% du trafic des ports maritimes européens 390 millions de tonnes de marchandises 431 navire de commerce d’une jauge brute de plus de 100 (en UMS) sous pavillons français Le 26ème rang des flottes mondiales en termes de taille de pavillon 18 millions de tonnes de CO2 émis par les navires appartenant à la France = 4,5% des émissions de CO2 nationale 20 Quelle transition énergétique pour le secteur maritime et industrialo-portuaire ?
Lors du 80ème comité de la protection du milieu marin (MEPC 80) qui s’est tenu le 07 juillet 2023 à Londres, les 175 pays membres de l’OMI ont adopté un objectif de neutralité carbone du secteur maritime à l’horizon 2050. Pour atteindre cette ambition de « Net-Zéro », l’OMI a défini des objectifs intermédiaires de réduction des émissions de GES10 par rapport au niveau de 2008 : • Une réduction d’au moins 20% en valeur absolue des émissions en 2030 ; • Une réduction d’au moins 70% en valeur absolue des émissions en 2040. Pour répondre à ces objectifs, des règlementations sur la réduction de l’intensité carbone ont vu le jour dans les textes de l’OMI ainsi que des mesures orientées vers la limitation de l’empreinte écologique (qualité de l’eau et de l’air, impact acoustique du maritime, collision avec les cétacés, perte de conteneurs ou réduction du bruit, …). C’est la Convention de MARPOL, entrée en vigueur en 1983, qui recense l’ensemble des mesures réglementaires et financières visant à réguler les pollutions maritimes. La règlementation de l’OMI impose un rythme soutenu avec des objectifs réhaussés tous les 5 ans, voire anticipés pour certains navires (porte-conteneurs par exemple) et fixe des limites acceptables à imposer aux navires. Elle met en place des zones de contrôle des émissions (ECA) où les émissions de SOx, NOx et de particules sont contrôlées de manière stricte et impose quatre dispositifs aux armateurs pour réguler les émissions de GES : • Le SEEMP (plan de gestion de rendement énergétique) impose à l’armateur des mesures d’amélioration des performances énergétiques de ses navires. • Le CII (indice d’intensité carbone) traite de l’efficacité énergétique intrinsèque et opérationnelle des navires en mesurant l’intensité carbone d’un navire à travers sa consommation annuelle de carburant convertie en émission de CO2. Une notation de A (très bonne efficacité énergétique et opérationnelle) à E (très mauvaise efficacité énergétique et opérationnelle) est attribuée aux navires. Si un navire est noté D pendant trois ans consécutifs ou E pendant une année, il devra adopter des mesures de correction présentées dans le SEEMP qui devront être validées par l’administration. Sans mesure corrective, il perdra son certificat de navigation. • Le EEDI (indice d’efficacité énergétique des navires neufs) est directement lié à la puissance installée et à la capacité de transport du navire. C’est un indice qui s’applique à tous les navires de plus de 400UMS et qui permet de mesurer l’efficacité énergétique des navires neufs. Il est mis en œuvre dans une approche phasée avec trois temporalités (2015 : -10% d’intensité carbone ; 2020 : -20% ; 2025 : -30%). • Le EEXI (indice d’efficacité énergétique des navires existants) permet de mesurer l’efficacité énergétique des navires existants, sur la base du design et des équipements, sans prendre en compte les carburants. Il s’applique aux navires de plus de 400UMS et en cas de non-conformité avec cet indice, l’armateur devra prendre des mesures de correction comme la limitation de vitesse ou de puissance moteur, ainsi que le changement de carburant (au profit de carburants peu carbonés voire décarbonés) et/ou des mesures d’optimisation d’énergie. L’ensemble de ces mesures et de ces dispositifs sont échelonnés en plusieurs phases afin de répondre à l’objectif de réduction de Net Zéro à horizon 2050. 2.2.1. L’OMI fixe l’objectif de neutralité carbone en 2050 10 MEPC 80/WP.12, 2023. « stratégie OMI 2023 ». COMPRENDRE POUR AGIR 21
Ces mesures, découlant de la stratégie initiale de l’OMI, visent l’efficacité énergétique des navires. Elle fait de la rénovation et du renouvellement du parc de navires sa priorité et a pour objectif de réduire de manière sinificative les émissions de gaz à effet de serre, notamment celles de CO2. Les portes-conteneurs, représantant 20,9% du transport maritime international, ont émis en 2019 183,64 million de tonnes de CO2. Pour donner un ordre de grandeur, l’Ukraine, en 2019, a émis 199 millions de tonne de CO2 12. La société de classification American Bureau of Shipping estime que 85% des pétroliers et des vraquiers existants soumis à la norme de l’OMI rencontreront des difficultés à respecter l’EEXI, ce qui représente plus de 18 000 navires. Le Bureau Véritas estime quant à lui que, dans un scénario business-as-usual, 20% de la flotte actuelle des vraquiers concernée n’atteint pas la note minimale requise, et 55% de la flotte pourrait ne pas respecter les normes autorisées d’ici 2030. À noter qu’en 2019, l’OMI a classifié la totalité de la flotte mondiale. 15% des navires ont la note A, 20% la note B, 30 % C, 20% D et 15% E. Ainsi, les deux tiers des navires ont une note comprise entre A et C. Toutefois, en 2026, cette proportion tombera à 49 % si aucune mesure n’est prise pour réduire l’intensité carbone des navires. 2.2.2. L’efficacité énergétique des navires, au cœur de la stratégie initiale de l’Organisation Maritime Internationale La stratégie Initiale : une stratégie échelonnée en plusieurs phases Figure 8 : Stratégie initiale de l’OMI (Adapté de Sia Partners) Figure 9 : Contribution aux émissions du transport maritime des types de navire les plus émetteurs de CO2 - Chiffres de 2019 (Jacquin, Sigrist et al., 2022 11 Sia Partners, 2020. « La stratégie de l’OMI pour réduire les émissions carbone » 12 Jacquin, Sigrist et al., 2022 « Coalition T2EM : Transition Ecologique et Énergétique du Maritime – Vision à 2050 ». 2018 Adoption de la Stratégie initiale 2019 74ème session du comité de la protection du milieu marin : • Adoption des nouveaux amendements concernant le suivi énergétique des navires (EEDI, SEEMP) • Adoption de la convention internationale MARPOL (teneur limite en NOX - SOX pour les carburants marins) 2020 - 2023 • Renforcement des mesures techniques et opérationnelles associées au système de suivi énergétique des navires • Suivi et accompagnement des acteurs dans la transition réglementaire 2030 • Réduction des 40% des émissions CO2 par rapport à 2008 • Usage des combustibles à faibles émissions (CO2 - NOX - SOX) généralisé • Utilisation des retours d’expérience pour la réalisation d’un guide des bonnes pratiques à destinations de tous les acteurs du secteur 2050 • Réduction de 100% des émissions de CO2 par rapport à 2008 • Promotion des technologies innovantes • Poursuite de la fourniture de combustibles à zéro émission carbone ou non fossiles, afin d’envisager la décarbonation totale du secteur au cours de la seconde moitié du siècle Émission en Mt CO2 Part dans les émissions du transport maritime international Part dans le transport maritime international Équivalent en émissions nationales en 2019 183,64 29,9% 20,9% Ukraine 199 Mt CO2 169,15 27,6% 41,5% Pays-bas 154 Mt CO2 129,86 21,1% 29,3% Philippines 140 Mt CO2 porte- conteneurs vraquier navires- citernes 22 Quelle transition énergétique pour le secteur maritime et industrialo-portuaire ?
Figure 10 : Les ports du G4 membres du réseau RTE-T (e-Cube, 2022). À l’échelle européenne, l’objectif de neutralité carbone du secteur maritime a été officiellement adopté dans la loi européenne sur le Climat du 30 juin 2021. Quelques jours plus tard, le Paquet Climat « Fit For 55 » a proposé 12 mesures – 5 directives et 7 règlements – afin de parvenir à cette neutralité carbone. Le nom « Fit For 55 » fait référence à l’objectif intermédiaire de réduction de 55% des émissions de GES à horizon 2030. Ce Paquet Climat contient plusieurs textes qui concernent directement et indirectement la filière du maritime. Les différentes directives et règlements s’appliquent aux navires de plus de 5000 GT quel que soit leur pavillon. Directive AFIR-Infrastructure Régulation : • Proposition de Règlement pour le déploiement d’infrastructures pour carburant alternatif : Le texte demande aux États membres de mettre en place les conditions de production et distribution des carburants alternatifs pour le transport des personnes et des biens en Europe et propose une classification des carburants. Il vise à en améliorer le cadre normatif et à assurer une cohérence internationale pour les infrastructures de recharge électrique des navires et de soutage hydrogène, méthanol et ammoniac ; • Proposition de Règlement pour le déploiement des bornes à quai pour le raccordement électrique des navires : Les États membres doivent veiller à ce que le raccordement électrique à quai (OPS) couvre au moins 90 % de la demande des navires de passagers, porteconteneurs et Ro-Pax au-dessus de 5000 GT (jauge brute) d’ici 2030 pour tous les ports du RTE-T au-delà de respectivement 25, 50 et 40 escales par an en moyenne sur les 3 dernières années. Pour la fourniture d’électricité à quai dans les ports de navigation intérieure : au moins une installation d’électrification à quai doit être installée dans les ports de navigation intérieure du RTE-T core (d’ici 2025) et comprehensive (d’ici 2030). 2.3 Le contexte réglementaire européen régi par le Paquet Climat « Fit For 55 » L’Union européenne a une réelle volonté de décarboner le secteur maritime et s’est ainsi fixé des objectifs chiffrés dès 2013. La réglementation Européenne fixe des mesures contraignantes pour les armateurs les incitant à se décarboner rapidement. Le non-respect de certaines mesures entraînera des pénalités voire une interdiction de faire escale dans les ports européens. La réglementation Européenne vise à accélérer le recours aux carburants alternatifs. Il est important de noter que cette dernière est en avance de phase par rapport à la réglementation internationale orchestrée par l’OMI vis-à-vis de l’incorporation des carburants de synthèse et le CENAQ. RTE-T Core représente l’épine dorsale du réseau transeuropéen de transport, tandis que le RTE-T Comprehensive étend cette infrastructure pour assurer une connectivité plus large et complète à travers l’Union européenne. Les ports du G4 (FR, UK, IT, BE) membres du réseau transeuropéen de transport (RTE-T) RTE-T «core» - Maritime RTE-T «core» - Fluvial RTE-T «comprehensive» Maritime RTE-T «comprehensive» Fluvial COMPRENDRE POUR AGIR 23
FuelEU Maritime : Le texte a pour objectif de contraindre les propriétaires de navires à réduire leurs émissions de CO2 en les incitant à recourir à des énergies moins carbonées. Il met en avant le besoin de produire des e-fuels à partir d’électricité nucléaire, considérée comme bas carbone et cherche à assurer une cohérence entre la production de carburants alternatifs et le déploiement des infrastructures assurant leur distribution. • À partir du 1er janvier 2030, un navire à quai dans un port d’escale relevant de la juridiction d’un État membre doit se connecter à l’alimentation électrique à terre et l’utiliser pour tous ses besoins énergétiques lorsqu’il est à quai. Lorsqu’il est démontré que l’utilisation d’une technologie alternative est équivalente à l’utilisation de l’OPS, un navire pourra être exempté de son obligation d’utilisation de l’OPS ; • Adoption d’une limite maximale de teneur en GES du mode de propulsion des navires. L’objectif est de réduire de façon progressive de 75% l’intensité des émissions des navires à horizon 2050 (-2% en 2025, -6% en 2030, -14,5% en 2035, -31% en 2040, -62% en 2045 et -80% en 2050) ; • L’UE a l’intention d’encourager l’utilisation de carburants renouvelables. Entre 2025 et 2034, elle accordera des crédits aux navires utilisant des carburants renouvelables d’origine non-biologique (RFNBO). L’accord fixe un objectif d’incorporation de 1,2% de RFNBO en 2030, et de 2% à partir de 2034 ; • En 2024, les armateurs devront proposer un plan de suivi des émissions de GES. Le texte fixe des objectifs globaux aux armateurs, les laissant libres de la technologie qu’ils utiliseront. Il instaure un mécanisme de récompense des dépassements des objectifs, avec pour volonté de stimuler le développement, le déploiement et l’adoption de technologies avancées pour la réduction des émissions de GES. Le non-respect de certaines mesures entraîne des pénalités calculées au périmètre d’une flotte de navires dont le paiement permettra à l’armateur de poursuivre ses activités. En cas de pénalité sur plusieurs années consécutives, les pénalités sont majorées. En cas de non-paiement, une interdiction de faire escale dans les ports européens sera prononcée et l’autorité pourra suspendre la licence d’exploitation du bateau. RED : La directive RED (amendée en RED II et III), fixe les objectifs européens en termes d’énergies renouvelables. La directive RED III fixe la part d’énergies renouvelables à atteindre dans la consommation à 40% en 2030 et pose de nouvelles exigences pour le transport maritime et la production d’énergie renouvelable : • Réduction de 13 % de l’intensité des gaz à effet de serre dans les carburants destinés au transport d’ici à 2030 ; • Pour tout mix électrique présentant un contenu carbone inférieur à 18gCO2eq/MJ (défini au niveau de la bidding zone), les électrolyseurs connectés au réseau électrique pourront comptabiliser jusqu’à 100% de leur production comme RFNBOs à condition qu’ils soient approvisionnés en quantités équivalentes d’énergies renouvelables via des Power Purchase Agreements (PPAs) ; • Objectif de 2,6 % de carburants renouvelables d’origine Par exemple, pour une compagnie maritime 10% en dessous des obligations fixées en 2030 par FuelEU, une pénalité équivalente à 2,2% de ses dépenses annuelles en carburant lui sera imposée. Pourront s’ajouter des pénalités en cas de non-raccordement au système d’électrification des quais et/ou de non-respect des objectifs d’incorporation des RFNBO. Intensité CO2 Pénalité équivalente à 2400€ par tonne de VLSFO2) consommée en trop Incorporation RFNBO Pénalité équivalente à l’écart de prix entre RFNBO3) et carburant fossile Électrification à quai Pénalité équivalente à au moins 2 fois le coût de l’électricité à quai 24 Quelle transition énergétique pour le secteur maritime et industrialo-portuaire ?
non biologique et une part de 50 % d’énergies renouvelables dans la consommation industrielle d’hydrogène d’ici à 2030 ; • Objectif de porter en 2050 la puissance installée de l’éolien en mer à 300 GW, avec 40 MW par bassin maritime ; • Incitation des États membres à engager des planifications conjointes pour mener des projets transfrontaliers. Directive sur le Système d’Echange de Quotas d’Émissions (SEQE ou ETS) : Intégration du secteur maritime au dispositif European Trade System (ETS) du marché carbone. Pour atteindre l’objectif global de réduction de 55% des émissions de GES à horizon 2030, le secteur maritime devra suivre une trajectoire de réduction de -61%. Pour le calcul des émissions, les émissions à quai seront prises en compte à hauteur de 100%, les émissions des voyages internationaux à hauteur de 50% et celles des voyages intra-UE à 100%13. Les acteurs industriels européens sont soumis à un système de quotas d’émissions plafonnant les émissions annuelles de GES à la maille de l’Union européenne sur le principe du « cap and trade ». L’UE met en vente des quotas d’émissions au travers de plusieurs enchères au cours d’une année selon un calendrier défini au préalable et ajusté si nécessaire. Au 30 avril de chaque année, les acteurs doivent fournir un nombre de quotas équivalent à leurs émissions pour l’année précédente sous peine d’amende (100€ / tonne non couverte + rachat d’un quota d’émissions sur le marché). L’UE diminue le nombre total de quotas alloués annuellement (~4% par an à partir de 2024 vs ~2% par an jusqu’en 2023) contraignant ainsi les différents acteurs européens à réduire progressivement leurs émissions. Le 17 mai 2022, la révision de la directive EU-ETS adoptée par le parlement européen a conduit au vote favorable de l’amendement de compromis concernant la création d’un Fond Océan pour la période 2023-2030. Ce fond sera abondé par 75% des revenus générés par l’ETS maritime et permettra de soutenir des technologies de rupture qui permettront de rendre les navires plus efficaces d’un point de vue énergétique et capables de faire baisser drastiquement les émissions de GES du maritime. L’objectif est de favoriser et d’accélérer le déploiement de solutions émergentes en matière de durabilité du secteur maritime : • Les carburants alternatifs ; • Les batteries ; • L’alimentation électrique à quai ; • Les « Éco-Ports ». Les «bidding zones» sont des zones géographiques définies dans le marché de l’électricité où les opérateurs peuvent soumettre des offres pour acheter ou vendre de l’électricité, ce qui contribue à l’efficacité et à la stabilité du marché de l’électricité. 13 Bureau Véritas, 2023. « FuelEU Maritime ». 1 700 1 650 1 600 1 550 1 500 1 450 1 400 1 350 1 300 1 250 1 200 1 150 1 100 2020 2021 2022 2023 2024 2025 2026 2027 2028 2029 2030 0 -62% vs 2005 -62% vs 2005 -43% vs 2005 Trajectoire de décaronation initiale Trajectoire revue en 2023 Figure 11: Périmètre d’application des ETS (Bureau Véritas, 2023). Figure 12 : Quotas d’émissions alloués par l’UE (E-cube, 2023). Quotas d’émissions alloués par l’UE pour l’ensemble des secteurs soumis à l’ETs en MT CO2e Trajectoire de décarbonation initiale Trajectoire revue en 2023 1 700 1 650 1 600 1 550 1 500 1 450 1 400 1 350 1 300 1 250 1 200 1 150 1 100 2020 2021 2022 2023 2024 2025 2026 2027 2028 2029 2030 0 -62% vs 2005 -62% vs 2005 -43% vs 2005 Trajectoire de décarbonation initiale Trajectoire revue en 2023 COMPRENDRE POUR AGIR 25
Taxation de l’Énergie : Le texte révisé met la taxation des produits énergétiques en conformité avec les politiques actuelles de l’UE en matière d’énergie et de climat. La taxation des différents produits reflètera leur impact sur l’environnement afin d’encourager les acteurs du transport à s’orienter vers une énergie décarbonée et des technologies durables. Pour le transport maritime, le taux d’imposition minimal du fuel lourd augmentera graduellement tandis que les carburants durables bénéficieront d’un taux minimal de zéro afin de promouvoir leur adoption. Les taux minimaux fixés sont les suivants : • Combustibles fossiles conventionnels (essence, gazole, biocarburants non durables, utilisés en carburants) : 10,75€/GJ ; • Combustibles non renouvelables mais pouvant contribuer à la décarbonation (GNL, GPL, RFNBO non renouvelables, utilisés en carburants) : 7,17€/GJ ; • Biocarburants durables non avancés, utilisés en carburants : 5,38€/GJ ; • Électricité, biocarburants durables avancés, biogaz durables, RFNBO – pour toute utilisation : 0,15€/GJ. La combinaison de la Taxation de l’Energie et de la SEQE sont des directives qui visent à accélérer le recours aux carburants alternatifs. Elles taxent respectivement les carburants et les émissions de GES. Il est clair que l’Union Européenne a une réelle volonté de décarboner le secteur maritime et s’est ainsi fixée des objectifs chiffrés dès 2013 alors que l’OMI a attendu 2018 pour adopter sa stratégie initiale de réduction de 50% des émissions de GES à horizon 2050. Il est important de noter qu’en 2018, ce sont les pays européens et méditerranéens qui ont incité l’OMI à rendre plus stricte les zones de contrôle des émissions de soufre (SECA). Jusqu’au 7 juillet 2023, l’UE avait des objectifs de réduction des émissions de GES et de préservation des océans plus ambitieux que ceux fixés par l’OMI. Cela impliquait que le transport maritime européen était administré par des règles plus strictes et contraignantes, rendant difficile le positionnement des armateurs du fait du manque d’uniformité des diverses réglementations régissant le secteur. *TTW = Tank to Wake Approche d’analyse des émissions de CO2 d’un navire qui prend en compte les émissions résultant de la combustion ou de l’utilisation d’un carburant une fois qu’il est déjà dans le réservoir. La façon dont un carburant est produit et transporté pour se rendre au réservoir d’un navire n’est pas incluse dans cette analyse. Court/moyen terme CII > Fuel EU Maritime Long terme Fuel EU Maritime > CII -75% 2050 2045 2040 2035 2030 2028 2025 2023 -59% -61% -49% -35% -39% -21% -29% -11% -19% -15% -4% -9% -5% À court et moyen terme (2023 - 2035), les objectifs de réduction des CII semblent les plus élevés. À long terme (> 2035), les objectifs de Fuel EU Maritime semblent les plus élevés. Comparaison des objectifs CII et fuel EU maritime en TTW [2023 - 2050], en % (gCO2/(tonne.nm) TTW pour CII et gCO2/MJ estimé en TTW pour Fuel EU Maritime Zone SECA en 2025 Implications SECA : Les navires sans scrubbers devront consommer du ULSFO (0,1% de soufre) ~3 fois plus chers que le HSFO. Ceux avec scrubbers consommeront du HSFO Objectifs CII OMI Objectifs CII projection E-CUBE1) Objectifs Refuel EU Maritime (ajustés en TTW) 26 Quelle transition énergétique pour le secteur maritime et industrialo-portuaire ?
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